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Archives | Illustrations

Tout le reste se réduit à des hypothèses. Son père semble avoir exercé le métier de tapissier à Düsseldorf et à Schweinfurt. Les arts et la musique l’intéressent beaucoup. Le jeune Cornelius aurait appris le violon, la guitare, la flûte et le piano. Après la mort de son père, il part en voyage avec un ami, artiste lui aussi sans doute. Ses voyages demeurent assez peu connus. Il aurait habité deux ans à Rotterdam, chez les parents de sa mère, où il étudie la peinture. Il séjourne ensuite en Autriche, en Italie, en France et retourne en Hollande. Ses talents de musicien et de peintre ne semblent pas suffisants pour lui permettre de vivre en Allemagne. Il s’embarque pour New York. Pour quelles raisons ? Revoir son frère Ernst, installé à Toronto ? Tenter sa chance en Amérique ? Amour de l’aventure ? Sans doute tout cela à la fois. Malheureusement, les nombreux dessins – une centaine environ –, qu’il fit à la plume et au crayon pendant son service dans l’armée américaine, sont perdus. Par conséquent, il est impossible de juger de cette première production. Les circonstances qui entourent son départ de l’armée et son mariage demeurent assez obscures. Le jour même de son licenciement, il réintègre l’armée puis déserte. La rencontre de Louise Gauthier explique peut-être son comportement. Cette jeune personne, née à Longueuil, près de Montréal, travaillait comme servante à New York. On ignore la réaction de son père, fermier assez à l’aise, à l’annonce de ce mariage. Finalement, il manque un chaînon permettant de préciser l’influence possible de la peinture de genre américaine sur l’œuvre de Krieghoff.

Le jeune couple décide de quitter les États-Unis et de s’installer au Canada. Il se dirige vers Toronto. Les raisons de ce choix comme la durée du séjour à Toronto sont inconnues. Ernst Krieghoff conseillait sans doute à son frère de s’établir à Toronto en raison des activités artistiques de cette ville. Propriétaire d’un studio de photographie, il était probablement au fait des possibilités offertes à un jeune artiste. Cornelius travaille comme peintre professionnel, fait partie d’un cercle artistique, expose à la Toronto Society of Artists en 1847. Mais tout ne va pas selon ses désirs puisqu’à cette date il a déjà quitté Toronto pour Longueuil ; deux ans plus tard, il s’établit à Montréal. En cinq ans, il y occupe quatre logements différents.

Montréal, pas plus que Toronto et New York, ne lui apporte la fortune. La vente de ses tableaux ne va pas : il passe de porte en porte et offre ses œuvres pour $5 ou $10 chacune. Les marchands et les gros commerçants s’intéressent assez peu à la peinture, et qui plus est, les sujets de Krieghoff ne les tentent guère. Ils ne peuvent voir d’un très bon oeil ces scènes, ces costumes, ces habitations qui leur rappellent leurs origines paysannes. On lui demande plutôt de peindre des chevaux importés d’Angleterre et des enseignes pour les banques et les magasins. Au fait, Cornelius Krieghoff devient plus ou moins peintre en bâtiments afin d’assurer sa subsistance, celle de sa femme et de sa fille Emily, née en 1841.

La ville de Québec, cependant, possède une aristocratie formée de militaires importants et d’officiers qui attachent un certain intérêt aux choses de l’esprit. C’est le moment où dans les collèges et dans la société se forment de nombreux cercles littéraires, philosophiques et musicaux. Au petit séminaire de Québec seulement, plus de sept sociétés voient le jour. Les gens aiment se grouper pour discuter de littérature, écouter une pièce de théâtre et aussi, à l’occasion, s’entretenir de peinture [V. Octave C.......]. Mais il ne s’agit pas de critique d’art proprement dite ; les préoccupations esthétiques des centres artistiques européens se situent à un tout autre niveau. Les officiers anglais aiment envoyer à leur famille une toile où se trouve fixé un coin de la campagne ou une scène typique du Canada. Le bourgeois veut posséder son portrait, signe tangible de son importance.

En 1851, l’occasion s’offre à Krieghoff de prendre contact avec un représentant de cette société. John Budden, commissaire-priseur pour A. J. Maxham & Company, le rencontre à Montréal et lui achète des toiles. Budden fait-il des propositions à Krieghoff ? Le connaît-il déjà ou s’agit-il d’un premier contact ? Nous n’en savons rien. Mais les toiles ont certainement séduit les gens de Québec puisque, trois ans plus tard, Budden rencontre à nouveau Krieghoff à Montréal et l’amène à Québec avec sa famille. Cette nouvelle migration semble s’être faite sans grand enthousiasme. Il faut quitter une fois de plus un milieu auquel on s’était habitué et s’éloigner de la famille. En effet, Ernst était venu s’installer à Montréal avec sa femme et ses trois enfants. Cornelius, semble-t-il, aurait aimé que son frère le suive à Québec.