La peinture de genre au ...e siècle fait partie d’un phénomène plus vaste que René Jullian a appelé fort justement la « paysannerie ». Il est certain que le monde paysan occupait une certaine place dans la préoccupation des artistes et des écrivains avant cette époque, mais ce n’était pas là une préoccupation majeure. Même quand ils s’intéressent au monde paysan, les artistes entourent le détail exact d’un décor idéalisé comme c’est le cas dans les romans de George Sand. En peinture, Millet oriente exclusivement son art vers la paysannerie avec la Barateuse, le Vanneur et bien d’autres compositions. De même Courbet veut de « l’art vivant » avec ses Casseurs de pierre, sa Vendange à Ornans ou ses Paysans de Flagey revenant de la foire. Les romanciers, comme Max Buchon et Balzac, décrivent longuement les mœurs paysannes et opposent les divers groupes sociaux. En Espagne, l’admirable costumbrista qu’est Alenza s’attarde inlassablement à dessiner la maja, les casuchas, les pauvres et tout le petit peuple de Madrid. Krieghoff fait aussi de la paysannerie son thème principal. Sans chercher à idéaliser, il brosse de nombreuses scènes où se retrouvent les coutumes et les paysages d’une région donnée. Son régionalisme le relie ainsi à tout ce mouvement artistique du ...e siècle. De même que Max Buchon et Courbet illustrent la Franche-Comté, qu’Alenza dépeint les types madrilènes, Krieghoff prend pour thème le Québécois.
Krieghoff s’intéresse à la nature grandiose qui entoure la ville de Québec et en fait son thème de prédilection. De très nombreux tableaux ont pour sujet principal le paysage. Celui-ci est apparu tardivement dans la peinture canadienne avec les premiers essais de Joseph Légaré*.
L’artiste semble bien le premier à s’être intéressé de façon constante au paysage. Il a peint inlassablement les riches couleurs de l’automne au moment où la forêt se pare des plus beaux vermillons, de jaunes éclatants et de verts assombris. On lui a beaucoup reproché des couleurs trop vives sans se rendre compte de l’éclat des forêts québécoises à l’automne quand, par exemple, une nappe d’eau en double l’image. Les blancs nacrés de l’hiver séduisent tout autant sa palette, et c’est une infinie variété de paysages où les sapins et les bouleaux se partagent les vastes étendues de neige. Les montagnes lui plaisent également et servent d’arrière-plan à un grand nombre de compositions dont le thème principal est la ferme canadienne. En général, une maison de chétive apparence retient son attention. Si on a reproché à Krieghoff de peindre les maisons délabrées plutôt que les riches demeures seigneuriales de la côte de Beaupré, et s’il faut convenir qu’il n’a pas laissé beaucoup de tableaux représentant l’aristocratie, il est bien inutile de lui en tenir grief. Ses fermes plaisent par leur caractère calme et réaliste. La petite maison au toit pointu, la remise où on voit le bois de chauffage et les outils, le hangar à quelque distance, le traîneau tiré par un lourd cheval, les enfants qui s’amusent dans la neige : tout cela était bien le tableau qui s’offrait à lui dans la campagne québécoise. Souvent un cours d’eau traverse ses toiles ou un lac occupe le centre de la composition. Le thème de la rivière revient très souvent et il a laissé de nombreuses images de la Montmorency ainsi que des lacs situés à proximité de Québec.