Krieghoff voit le travail des gens et en fixe l’aspect pittoresque sur sa toile. Il aime représenter le temps des sucres alors que toute la famille participe à la cueillette de l’eau d’érable et que la mère s’occupe de « faire bouillir » sous un abri de planches. Inlassablement il a répété les scènes de chasse dans les grandes forêts. Chaussés de raquettes et vêtus lourdement, les chasseurs poursuivent le chevreuil et l’épuisent dans la neige molle avant de l’abattre. Parfois, c’est leur proie vaincue qui occupe le centre de la composition. Il a aussi représenté les trappeurs à l’œuvre ou les ouvriers en train de faire les provisions de glace.
Mais le thème le plus attachant de Krieghoff est peut-être celui du divertissement. Les scènes à l’auberge groupent une société de gais lurons qui s’en donnent à cœur joie, dansent et boivent copieusement. La toile appelée Merrymaking constitue sans doute sa plus belle réussite du genre. De même les scènes de l’auberge Jolifou enchantent par leur spontanéité. On voit les hommes qui sont allés chercher les chevaux à l’étable et les attellent soit à un lourd traîneau soit à une élégante voiture. Pendant ce temps, les femmes prennent congé sur la galerie de l’auberge ou donnent à leur mari la couverture que l’on a pris soin de réchauffer afin de se protéger du froid en cours de route. D’autres ajustent leurs raquettes. Le « violonneux » est sorti, violon et bouteille à la main, et esquisse un pas de danse devant les gens amusés.
Il est bien connu qu’à cette époque les Canadiens français attachent beaucoup d’importance à leurs chevaux, à la beauté de l’animal, son habileté et sa rapidité. Krieghoff peint à maintes reprises les folles chevauchées sur la neige ou sur la glace et l’instant ou deux attelages entrent en compétition. Souvent il représente un traîneau bas sur lequel deux ou trois hommes se tiennent debout et parcourent la campagne. Les chutes de Montmorency attiraient alors les gens de tout rang à cause des attractions variées qu’on y trouvait. La grande plaine gelée se prêtait bien aux promenades, et les élégantes faisaient montre de leurs riches parures. Les hommes conduisaient avec fierté des attelages luxueux et vifs. L’énorme cône de glace au pied de la chute enchantait les glisseurs qui trouvaient là un site plus sauvage que devant la citadelle. On servait même des boissons dans une petite salle aménagée à même le cône. Le séminaire de Québec possède une admirable gravure de Krieghoff représentant cet endroit où des dizaines de petites figures se divertissent dans un décor de rêve. Même les jeux des enfants – ceux-ci sont nombreux dans l’œuvre de Krieghoff – captent son attention. Là où ils sont les plus vifs, c’est au sortir de l’école où on les voit se bousculer, organiser des combats de boules de neige ou glisser sur des luges aux couleurs brillantes.