Les voyageurs apparaissent souvent dans les toiles de l’artiste. Le canot glisse silencieusement sur les eaux ou passe entre des rives couvertes de végétation. Encore au ...e siècle, le canot demeurait un des principaux moyens de locomotion. Il faut faire du « portage » pour éviter les rapides et les endroits dangereux, prendre le risque de naviguer entre les glaces, de hisser le canot sur la surface glacée puis de le remettre à l’eau ; tout cela sous des températures glaciales. C’est ainsi que la poste est acheminée de Québec à Lévis et que des voyageurs osent se risquer à faire la traversée. Chaque année le carnaval de Québec fait revivre ces scènes périlleuses immortalisées par Krieghoff. Les autres genres de locomotion – cheval et raquette – offrent matière à d’intéressantes études.
La traite des fourrures avec les Indiens ou le transport des peaux, autres thèmes exploités par Krieghoff, nous donnent l’occasion d’observer un type d’hommes rudes et forts, très semblable aux bûcherons actuels. Le colporteur, le marchand de bois, le maquignon et même les clients du magasin général font leur apparition dans ce monde de gens rudes et âpres au gain.
Les scènes religieuses ne sont guère fréquentes dans son œuvre. L’aspect mystique de la vie des couvents, les activités des membres du clergé ou des religieuses ne l’intéressent guère. Quand il met en scène un membre du clergé, Krieghoff cherche plutôt à exprimer une tension entre deux groupes sociaux. On pense au Carême : le curé se présente à l’improviste dans une famille et constate que tous se régalent copieusement. C’est une grave offense aux préceptes religieux et au curé qui tenait à ce que son enseignement rigoureux fût pris au sérieux dans chaque foyer.
Les Indiens pour leur part constituent un thème très riche dans son œuvre. Il a sans doute pris contact avec eux aux États-Unis, lors de son expédition en Floride. À Montréal, il peint les Indiens de Caughnawaga, et à Québec, ceux de Lorette. La plupart de ces scènes se passent dans les Laurentides où les Indiens sont peints avec leur costume habituel et leurs manières de vivre si particulières. Il montre leurs traîneaux, leurs mocassins, leurs grands manteaux aux couleurs vives. Les femmes plaçent les enfants près du feu dans un panier fait de branches ou de lanières de cuir et préparent le repas pendant que les hommes fument leur longue pipe. Ou alors, nous voyons les Indiens avec les paniers qu’ils ont fabriqués pour la vente. Ce groupe social encore très individualisé à l’époque trouve en Krieghoff un interprète sympathique et prolifique.
Krieghoff, portraitiste, a eu un moment de véritable célébrité. « Il nous montre le vieux canadien, l’œil vif et clair, le nez légèrement busqué, le teint mât et les joues colorées, avivées par le froid d’hiver et les favoris grisonnants, qu’encadrent cette figure d’homme drapé et boutonné jusqu’au cou, dans son capeau d’étoffe du pays. » En plus de ces portraits où il fixe les traits des visages qu’il voit vivre autour de lui, il fait ceux de personnages importants : lord Elgin, par exemple. Le McCord Museum de Montréal possède un beau portrait de ce gouverneur. Krieghoff nous a laissé aussi un portrait intéressant de son ami John Budden. Le personnage, élégamment vêtu d’un pantalon à carreaux et d’une veste brun doré, se repose nonchalamment assis près d’une nappe d’eau. Derrière lui, il a placé son haut chapeau, son fusil et sa besace. Krieghoff ne manque pas l’occasion de rappeler les goûts de chasseur de son modèle. Cette scène se détache sur un fond de forêt et de lourds rochers.