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Highwater

Le hameau de Highwater se situe à deux kilomètres de la frontière du Vermont, sur la rive sud de la rivière Missisquoi, au pied du mont Brûlé. D’abord nommé South Potton à cause de sa situation au sud du canton, il s’appelle Mansonville Station quand le chemin de fer s’y implante, en 1873. Puis, pour mettre fin à la confusion avec Mansonville, les citoyens optent, avec ironie eu égard aux innombrables inondations, pour le nom de Highwater en 1909.

Les débuts

A l’été 1793, Peter Perkins s’y installe. Mais le printemps suivant, sa maison est inondée. il s’en va! En juin 1797, Moses Elkins et sa famille, partis de Peacham au Vermont, y vivent une implantation difficile; leur première habitation est elle aussi submergée. Ils la reconstruisent pIus haut, là où se situe aujourd’hui le cimetière Elkins. Les Abénaquis, avec qui ils ont de fréquents contacts, leur fournissent, pour se nourrir, du poisson et du gibier en échange de patates. Les familles d'Able Skinner et d’Abijeh Bailey les rejoignent dès 1797.

Les Elkins réussissent à s’enraciner et l’un des leurs, Mark L. Elkins junior, sera maire de Potton de 1862 à 1865, puis en 1874 et de 1876 à 1878. Lydia Skinner fonde, en 1826, avec d’autres femmes la Female Benevolent Society, la première organisation charitable des Cantons de l’Est. Elle en est la présidente de 1832 à 1843, date de son décès.

A la même époque, deux autres hameaux se développent dans la partie sud du canton. Coit’s Corner, nommé Meig’s Corner à compter de 1834, se situe au niveau du chemin Miltimore, à égale distance de Mansonville et de Highwater. Dès 1798, Jacob Garland et Jonathan Heath s’y installent. En 1810, ce hameau compte déjà une église, une école, un moulin à grain, un magasin général avec un bureau de poste et deux distilleries. Seuls les cimetières Orcutt, Miltimore et Chapel Hill rappellent la mémoire de ces premiers défricheurs; parmi eux, on compte Bradbury Green, dont le fils Horace sera maire de Potton de 1858 à 1861.

Le second hameau, Province Hill, se développe près du pont couvert de la Frontière. Il n’en reste que le cimetière du même nom, Les familles Andrew Gardyne, Samuel Skinner et David Blanchard en sont les pionniers, vers 1800.

Cimetière Province Hill

Highwater Inn | Circa 1930

La belle époque

L’arrivée du South Eastern Railway, en 1873, et la construction d’une gare transforment Highwater. Les douanes canadiennes s’y installent de même qu’un bureau de télégraphe. Fort de ses 250 habitants, le hameau compte alors quatre magasins généraux, un hôtel et une école, la South Hill.

Le boom arrive avec la loi américaine sur la prohibition, votée en 1920 et abolie en 1933. Les Américains traversent la frontière pour se désaltérer. Le hameau devient une Frontier Town. L’hôtel Highwater Inn compte 26 chambres et une salle de danse. L’alcool, la prostitution et le Black Jack font la renommée du saloon-hôtel John T. House. Ajoutons le Stanley House et le Tourist Garden.

Le chemin de fer, propriété du Canadien Pacifique de 1883 à 1996, est exploité par le Montreal, Maine and Atlantic Railway depuis 2003. La gare, fermée en 1960, a été transformée en maison privée, mais elle a gardé les couleurs du Canadien Pacifique.

Les douanes

Les douanes de Highwater existent depuis 1873. Ayant une longue limite territoriale avec les États-Unis, Potton accueille quatre autres postes frontaliers jusqu’en 1970 : Mansonville Highway, 1844; Mansonville House, 1844; Leadville, 1930, Memphrémagog, 1947. La vie des douaniers est particulièrement mouvementée durant l’époque des bootleggers, contrebandiers de boissons alcooliques.

Les industries

Baker Talc, Montreal Pipe Line, Space Reseach Corporation,  Bombardier.
Highwater est, en 1950, le centre de l’exploitation des mines de la Baker Talc à Potton. Trois sites sont exploités, soit les mines Marcoux, Van Reet et Baker. On utilise le talc dans plusieurs industries: cosmétique, papier, peinture, caoutchouc, ciment à joint, savon, céramique, pierre réfractaire. Le talc est souvent associé à la stéatite, nom d’origine grecque qui signifie pierre de lard. Les sculpteurs inuits ont reçu, en 1961, 35 tonnes de ce minerai en provenance de la Baker Talc. L’exploitation des mines et de l’usine de broyage cesse en 1996.

Baker Talc Soapstone

Montreal Pipeline Construction

L’oléoduc transfrontalier venant de Portland, au Maine, pour atteindre les raffineries de Montréal est toujours exploité par la Montreal Pipe Line ltée, qui entretient à Highwater une station de pompage, construite en 1942.

Gerald V. Bull, docteur en physique spécialisé en balistique et professeur à l’Université McGill, construit en 1964 un centre de recherche spatiale à Highwater. L’apogée du site se situe entre 1964 et 1980, et plus de 200 personnes y travaillent alors. Les prototypes du projectile Martlet, du nom de l’oiseau mythique qui figure sur les armoiries de l’Université McGill, sont développés à Highwater.


Le programme prend fin en 1967. M. Bull rachète les installations et fonde la Space Research Corporation avec l’aide de la famille Bronfman. Il devient consultant en balistique et conçoit à Highwater un canon à très longue portée, le GC-45 howitzer, et un nouveau projectile le ERFB, acronyme de Extended Range Full Bore, soit à portée étendue, plein tube.

Gérard V. Bull | Martlett I

Mais la Space Research doit déclarer faillite en 1980, à la suite de l’embargo américain sur l’exportation d’armes. Gerald Bull s’associe aux Poudreries Réunies de Belgique pour vendre ses armes.

En 1988, il convainc l’Irak de Sadam Hussein de construire un supercanon capable de mettre des satellites en orbite, le projet Babylone. Les services de renseignement de plusieurs pays, dont Israël, sont alertés, et en mars 1990, à l’âge de 62 ans, Bull est assassiné à Bruxelles. Le roman de Jules Verne, De la Terre à la Lune, publié en 1865 a failli se réaliser, dans le contexte d’un roman d’espionnage.

À l’automne de 1980, la société Bombardier fait l’acquisition de l’usine de production de la Space Research. Elle y construit des pièces de moteurs et de châssis de locomotives. Elle y emploie plus de 75 personnes, mais elle ferme ses portes en 1985.

Highwater, pour le paysage

Après tant d’aventures, le hameau de Highwater se repose. Les mines, la Space Research, les hôtels et les bootleggers ont disparu.

Mais le paysage bucolique, lui, n’a pas changé. C’est en canot, sur la Missisquoi, que nous en redécouvrons tout Ie charme.

Sources

  • Bailey, Merton E. History of Canada Customs in Township of Potton, notes manuscrites, 1982.
  • Bertrand, Jean-Louis. Répertoire toponymique de Potton, Association du patrimoine de Potton, 2009.
  • Leduc, Gérard, et Peter Downman. Highwa ter, Association du patrimoine de Potton, 2002.
  • Taylor, Ernest M. History of Brome County, volume 1, John Lovell & Son, Montréal, 1908.
  • Toolis, Kevin. The Man Behind iraq ‘s Supergun, The New York Times Magazine, 26 août 1990.

Équipe de production

Rédaction française et recherche: Jean-Louis Bertrand
Rédaction anglaise et recherche: Sandra Jewett
Révision: Jacqueline Robitaille
Édition originale © 2011
Édition Web: Serge Normand, 2024