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La grange ronde de Mansonville

Mansonville possède l’enviable privilège d’avoir une grange ronde centenaire en plein centre du village. Robert J. Jersey l’a fait construire en 1911-1912.

Par la suite, plusieurs propriétaires y ont exploité une ferme laitière. Mentionnons Alfred Marcoux et son fils Lionel, et le dernier exploitant agricole, Charles-Eugène Labbé, qui l’a vendue en 1990 à la famille Giroux.

En 2010, Jean-François Giroux a donné la grange à la municipalité du Canton de Potton.

Le canton de Potton a connu trois autres granges rondes, aujourd’hui disparues.

À Highwater, celle érigée par Bill Gendron a résisté au cyclone de 1913 ainsi qu’à l’inondation de novembre 1927 qui ravagea la vallée Missisquoi et une partie de la Nouvelle-Angleterre.

Les deux autres s’élevaient le long de la route de Mansonville : la grange de Leon Eldridge et celle de Joseph Messier, à l’intersection du chemin Traver.

La grange ronde de Mansonville, un joyau de notre patrimoine, pique la curiosité des visiteurs parce qu’il n’en reste plus que sept dans les Cantons-de-l’Est, toutes bâties entre 1901 et 1915.

La grange ronde vers 1950

La grange Messier | Route 243

Une architecture unique et fonctionnelle

Cette grange, d’une architecture originale, a la particularité d’être de forme circulaire. Ce style de bâtiment de ferme spectaculaire et typique des Cantons-de-l’Est fut développé par les Shakers, une secte protestante de la Nouvelle-Angleterre. Le cercle, symbole de perfection, a toujours inspiré ce groupe religieux et, selon une croyance populaire, le diable ne pouvait se cacher dans les coins!

Au-delà de la symbolique et du mythe, ce type de grange s’avérait très fonctionnel. La grange ronde comporte trois niveaux : en haut, le plateau ou la batterie, dessous, le fenil ou la tasserie et, au niveau du sol, l’étable.

Le plateau est un vaste plancher de bois d’un diamètre de 11 m (37 pieds), construit autour de quatre poutres centrales et bordé d’une rampe. En été, le plateau recevait les charrettes à foin, tandis qu’en hiver, il servait à remiser une partie de la machinerie agricole.

Les voitures à foin montaient au plateau par un pont d’accès en bois, le garnaud, protégé des intempéries par un toit semblable à celui d’un pont couvert. Durant la récolte, les fermiers engrangeaient le foin du plateau au fenil sous-jacent; de là, quatre ouvertures dans le plancher permettaient de transférer le foin à l’étable située au-dessous.

L'étable

Au niveau du sol se trouve l’étable où le troupeau, composé d’environ cinquante vaches, était logé dans des stalles aménagées en cercle autour de petits enclos réservés aux veaux. Ces emplacements sont demeurés intacts.

Cette ingénieuse disposition réduisait le travail requis tant pour nourrir les animaux que pour nettoyer l’étable.

L’enlèvement du fumier s’effectuait par un racloir actionné dans un dalot circulaire, placé derrière les stalles.

La grange ronde mesure environ 21 m (70 pieds) de diamètre, est pourvue de murs de 6 m (20 pieds) de haut et la hauteur totale, jusqu’au campanile, atteint les 15 m (50 pieds).

Son intérieur offre un attrait architectural qui témoigne du travail d’artisans chevronnés. Par exemple, le vaste espace au-dessus du plateau est vraiment impressionnant.

Le toit, supporté par une centaine de poutrelles qui convergent vers le puits d’aération et le campanile, n’est pas sans rappeler les voûtes d’anciennes cathédrales.

C'était l'hiver !

La fin d’une époque

En dépit de ses avantages indiscutables, la grange ronde faisait figure d'exception dans notre paysage rural. Elle a acquis une brève célébrité, la construction de granges rectangulaires étant plus rapide et moins coûteuse.

De plus, les granges rondes arrivèrent assez tard dans notre histoire et à un moment où notre population rurale commençait déjà à décliner en raison de l’émigration vers les centres urbains. Pour ajouter aux difficultés de nos fermiers, les grandes entreprises agricoles de la région de Montréal devenaient plus compétitives et le train, essentiel pour le transport rapide du lait aux laiteries, disparut de la vallée Missisquoi Nord en 1936.

Une grange à sauvegarder

La grange ronde de Mansonville est le joyau de notre patrimoine bâti. Dans une étude de 1982, un spécialiste, M. Yvon Provost, la qualifie « … de site exceptionnel… un des meilleurs exemples de grange-étable ronde ».

La municipalité la cite à titre de monument historique le 7 juillet 2009. Sa rénovation est confiée au Groupe bénévole municipal de Potton en 2011.

Comme tous les anciens bâtiments abandonnés, elle a subi l’usure du temps et nécessite d’importantes réparations. Consciente de sa mission en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine bâti, l’Association du patrimoine de Potton accorde une grande importance à la sauvegarde de la grange ronde et elle y investit temps et argent. L’objectif à long terme est d’en faire un lieu de promotion patrimoniale dans le canton de Potton. Depuis 2012, l’Association y présente des expositions.

Gérard Leduc | Exposition 2013, Archéologie

Un joyau patrimonial à préserver

Sa rénovation profitera non seulement aux citoyens de Potton, mais aussi aux municipalités avoisinantes, car elle est d’intérêt régional. Comme le tourisme est un des fers de lance de l’économie de notre région, la grange ronde de Mansonville contribue, sans contredit, à l’essor touristique local.

L’argument le plus fort qui défend la préservation de la grange ronde de Mansonville est qu’elle représente un symbole de continuité sociale. Elle nous ramène à l’époque où les pionniers se sont établis dans le canton, y ont vécu et y ont créé le paysage rural que nous apprécions aujourd’hui. Elle est un témoin de la vie des Jersey, Marcoux, Labbé, Giroux et autres Pottonais qui nous ont transmis la fierté d’être nés ou d’avoir choisi de vivre dans le canton de Potton.

Équipe de production

Rédaction: Gérard Leduc et Jean-Louis Bertrand
Révision: Madeleine Soucy
Photographie: Gérard Leduc, Hans Walser
Infographie et impression: CRM, Magog
© 2014
Édition Web: Serge Normand, 2024