Les trains de la vallée Missisquoi
Les trains ont toujours fasciné et noué une intimité très particulière avec les villes et les villages qu’ils traversaient. Ces engins bruyants, au panache de fumée et crachant la vapeur, se comportaient comme des monstres apprivoisés et dociles, s’arrêtant et repartant comme de fidèles automates.
L’avènement du train dans nos régions a non seulement révolutionné l’économie mis aussi procuré un confort encore inconnu aux voyageurs habitués aux cahots et aux ornières des routes des diligences. Qui plus est, la livraison des marchandises et du courrier devenait fiable.
Nous avons tous ressenti une pointe de nostalgie lorsqu’une ligne de chemin de fer disparaissait, pour céder la place à d'autres modes de transport. Cette nostalgie est encore vivante.
Qui n’a pas reçu un train en jouet? Même si les trains à vapeur ont depuis longtemps disparu, on perpétue leur mémoire dans des sites touristiques, des musées ou sous forme de convois miniatures, occupant les loisirs d’amateurs. Combien de chansons, de romans célèbres et de films se sont inspirés des trains.
Il y eut de grands et de petits trains : l’Orient Express en Europe, le Transcontinental au Canada et le Petit train du Nord dans les Laurentides, au nord de Montréal.
Chez nous, on appelait Peanut Special le petit train qui déservait la vallée de la rivière Missisquoi!
Il y a eu de nombreux projets de chemins de fer dans les Cantons de l’Est et Potton vit son premier train entrer en gare de Highwater en 1873, sur la ligne de la Southeastern Railway reliant West Farnham à Newport VT. Le Canadien Pacifique acheta la ligne en 1883 et l’exploite encore aujourd’hui.
Ce sont les mines de cuivre de Bolton qui suscitèrent l’arrivée des trains dans la vallée de la Missisquoi. Ils y circulèrent de 1872 à 1936. Le premier fut celui de la Huntingdon Mining Railway, qui reliait la mine Huntingdon (Diffonton) à Waterloo. Par la suite, Lucius Seth Huntingdon entreprit de prolonger la ligne. Il finança la compagnie Missisquoi and Black Rivers Valley Railways qui, en 1877, reliait Diffonton à Potton Springs, où s’était déjà construit l’hôtel du même nom, à un endroit reconnu pour les qualités thérapeutiques de ses sources sulfureuses.
En 1885, des difficultés financières mirent terme à l’histoire de ce chemin de fer.
Plus tard, en 1888, le juge Samuel W. Foster obtient la charte d’une nouvelle entreprise : le Orford Mountain Railway (OMR). En 1903, cet infatigable promoteur prolongea la ligne vers le nord jusqu’à Winsor Mills et une gare fut construite à Mansonville en 1906. Elle fut inaugurée en grande pompe sur la place Manson le 11 juillet 1907 avec hommage au Juge Foster. La gare, appelée à l’époque MANSONVILLE VILLAGE, est aujourd’hui une résidence particulière sur le chemin Bellevue.
Il existait aussi une voie d’évitement à la croisée du chemin Peabody et du chemin des Cheminots et celle du chemin Traver s’appelait McNeil’s Crossing, emplacement d’une fabrique de formes de souliers en bois expédiées par chemin de fer de l’usine Willard dont le foyer existe toujours.
Enfin, on avait aménagé au Potton Springs Hotel un débarcadère couvert pour le confort des voyageurs descendant à l’hôtel.
Après des années fastes, et en dépit de subventions gouvernementales de 4,000$ et 1,500 acres de terrain par mille de voie complété, l’OMR était en déficit. Le Canadien Pacifique en fit l’acquisition en 1910 et prolongea la voie jusqu’à North Troy. Avec des convois mixtes, de marchandises et de passagers, ce chemin de fer desservait la vallée de la Missisquoi à raison de deux trains par jour dans les deux directions.
Mais en 1936, la fermeture de la ligne North Troy-Eastman marqua la fin d’une époque. Après plus de cinquante ans, la vallée de la Missisquoi ne retentirerait plus du sifflet et de la cloche du Peanut Special, nom qui évoquait familièrement la modeste taille des locomotives de ce train.
Équipe de production
Rédaction: Gérard Leduc et Peter Downman
Infographie: Pierre Nadeau, Estrie-Art Infographie
Édition, 2003
Édition Web: Serge Normand, 2024